

Originaire des Montagnes du Jura, Lise Donier-Meroz a eu la…
La neige recouvre doucement les sommets alpins, les matins se font argentés et les feuillages dorés des coteaux laissent place aux silhouettes que l’on côtoiera pendant plusieurs mois.
L’hiver signe la fin du cycle annuel des vignes.
Alors que les jus finissent doucement leur fermentation et révèlent leur potentiel, je me suis posé la question : qu’attendre de ce millésime 2021 ? Pour y répondre, rien de mieux que de discuter avec certains de nos magicien.nes préféré.es !
Un printemps houleux
Lorsque je suis arrivée en Valais à la fin du mois de février, le mercure frôlait les 20 degrés. Ces températures incroyablement douces ont réveillé la nature dangereusement tôt. Début avril, le thermomètre chutait et enregistrait des températures négatives tout au long de la vallée du Rhône. Si les dégâts ont été considérables au niveau de l’arboriculture, notamment des abricots, la viticulture n’a malheureusement pas été épargnée par cette vague de froid.

Certaines variétés ont été affectées en particulier. Thierry Constantin, vigneron-éleveur à Pont-de-la-Morge (Sion) confirme : « Le gel de printemps a provoqué beaucoup de dégâts sur les cépages précoces, en particulier le cornalin et la petite arvine. » En effet, les cépages précoces « débourrent » plus rapidement. Il s’agit de la période où le bourgeon sort de sa protection cotonnée. Il est alors aussi fragile que du cristal et plus que jamais sensible aux caprices de mère nature.
C’est avec Renaud Favre de la Sélection Excelsus, un domaine de 7,5 hectares, que j’ai pu ensuite discuter. « Cette année 2021 nous a donné particulièrement du fil à retordre. Une vague de froid a d’abord touché le Valais pendant 2 nuits du 6 au 8 avril avec des températures d’environ -3 degrés. Nos parcelles se situant toutes à Chamoson, nous avons cependant limité la casse par rapport à d’autres régions du Valais, de Suisse ou de France ». Grâce à son fameux cône de déjection, Chamoson bénéficie effectivement d’un microclimat, la roche réverbérant sur le vignoble une chaleur supplémentaire.

Pour combattre le gel, différentes techniques existent. À Fully, lors du deuxième épisode de gel de mai, c’est l’installation de chaufferettes au niveau de la célèbre Combe d’enfer qui a été choisie. Des souffleries ou l’aspersion peuvent également être utilisées, néanmoins, ces mesures sont extrêmement coûteuses et s’avèrent inefficaces en cas de températures trop extrêmes.
Un été historique
Les déboires de nos vigneron.nes ne se sont malheureusement pas arrêtés aux portes de la saison estivale. L’été 2021 a été historiquement humide, pluie et chaleur donnant naissance à des conditions presque tropicales. Pour vous donner une idée, le total des précipitations du mois de juillet s’élève à presque 140 mm, contre 35 mm en 2020. Un combo qui crée des conditions idéales pour le développement des différentes maladies de la vigne.

Retour chez Thierry Constantin : « L’été humide a nécessité une grande flexibilité et beaucoup de réactivité pour protéger les raisins des attaques de mildiou, voire d’oïdium. » Ces deux maladies sont des champignons qui s’attaquent tout d’abord aux feuilles de vigne, puis aux raisins, limitant ainsi les rendements. Les pertes de raisins ont été considérables, allant jusqu’à 60% de la récolte pour certains vignerons.
Plus loin dans la vallée, à Miège, Sandrine Caloz revient sur l’aspect historique de ces maladies : « Je suis la 3ème génération qui travaille la vigne dans la famille Caloz, et le mildiou n’a auparavant jamais été un problème dans cette région. » Elle appuie également la difficulté que rencontrent les vigneron.nes travaillant en bio cette année, bénéficiant de bien moins d’armes contre les maladies. « C’est dommage, car nous observons enfin un essor du bio en Valais, mais un millésime pareil va en faire renoncer et abandonner certain.nes. »

Malgré son microclimat unique, Chamoson n’a, cette fois-ci, pas été épargné. Renaud Favre, dont le domaine est en conversion bio depuis début 2021 confirme :
« Les dégâts dûs à cette maladie, visibles dès début juillet, se sont empirés jusqu’à mi-août. Cela nous a forcés à fournir un immense travail viticole. C’était éreintant pour toute notre équipe, mais le travail a bien été fait. »
2021, en positif
Il en faut beaucoup plus à nos vigneron.nes pour baisser les bras! Grâce à leur travail acharné durant toute la saison et malgré de faibles quantités, les jus sont toutefois d’une belle qualité. J’ai eu la chance de goûter quelques-uns des jus de Sandrine Caloz. Alors que certains finissent à peine leur fermentation, l’on dénote déjà une fraîcheur et une énergie incroyable. Ça promet!
Chez Thierry Constantin où je n’ai pas encore eu la chance de me rendre depuis la récolte, il exprime le même sentiment positif : « Les premiers jus sont prometteurs, les nez sont très expressifs avec des arômes de fruits marqués, les bouchées sont juteuses, toniques et d’une belle profondeur avec une magnifique trame acide. » De son côté, Renaud Favre, jeune vigneron, met en avant l’expérience qu’il a pu gagner grâce à ce millésime pour le moins challengeant : « Depuis mon retour sur le domaine, je n’ai jamais autant observé les vignes de mes voisins ni échangé autant avec mes collègues vignerons. »
Si l’on peut donc décrire 2021 en un mot, cela serait avec le terme « unique ». Après presque deux ans ponctués par les confinements et les aléas climatiques, nos cher.es vigneron.nes n’ont pas été épargnés. J’aimerais conclure en ajoutant qu’il est de notre devoir de les supporter, en tant que sommelier.es mais également à la maison. Pour ça, rien de plus facile, on débouche !
Santé et mille mercis à Sandrine, Renaud et Thierry pour leur partage !
Lise

Originaire des Montagnes du Jura, Lise Donier-Meroz a eu la chance de grandir dans cette région où le terroir et la gastronomie sont indissociables de chaque moment de vie. C’est pourtant en Angleterre qu’est née sa passion pour les vins, où elle évolue au sein de l’équipe de sommellerie gérée par le Master Sommelier Pierre Brunelli. Elle obtient ensuite son diplôme WSET - Certified Court of Master Sommeliers, puis devient première lauréate de la Gérard Basset Travel Scholarship en 2020. En soif de nouveaux horizons, Lise a atterri en Valais au printemps 2021 où elle découvre l’univers du vignoble valaisan et rencontre ses vigneron.nes. Conquise par la diversité et la typicité des vins suisses, elle se réjouit de continuer à les explorer au cours de dégustations.