L’OeiI-de-Perdrix est un vin de la famille des rosés, puisqu’il est réalisé à partir d’une très courte cuvaison (période où le jus est en contact avec les pigments, ou anthocyanes, des baies de raisin). La particularité de l’Oeil-de-Perdrix neuchâteloise tient au fait qu’il est un pur jus de pinot noir.
L’histoire nous enseigne qu’en Bourgogne et en Champagne, deux régions où le pinot noir règne en maître, le jus de pinot noir de l’OeiI-de-Perdrix – car le nom y aura aussi été employé au 19e siècle, était fréquemment mélangé à du pinot blanc.
Le cépage pinot noir a certainement une histoire millénaire sur les bords du lac de Neuchâtel. L’une de ses variétés, celle dite « de Cortaillod », ancre encore davantage le pinot noir dans l’histoire viticole du canton. Pour ce qui est des vins d’Oeil-de-Perdrix, la plus ancienne étiquette dans le retrouvée canton date de 1861, soit depuis au moins 150 ans ! Il s’agit d’un « Oeil » de Louis Bovet, vigneron à Areuse. Mais le véritable développement de l’Oeil-de-Perdrix s’est opéré durant la seconde partie du 20e siècle, à partir de 1960, car jusque là il était consommé localement.
Il est depuis considéré comme une référence dans toute la Suisse. Certains regrettent que son nom n’ait pas été protégé, tel une marque. Aussi, les neuchâtelois doivent-ils partager son nom avec leurs collègues suisses. Mais, pour reprendre le bon mot de Patrice Allanfranchini, conservateur du Musée de la Vigne et du Vin de Boudry, le musée du vin neuchâtelois, « les oenophiles ne s’y trompent pas, le véritable Oeil-de-Perdrix reste avant tout un produit caractéristique du terroir neuchâtelois, comme un Champagne n’est pas un mousseux » !
Violaine Blétry de Montmollin, directrice de l’Office des Vins et Produits du Terroir Neuchâtelois, l’a bien compris, aussi a t-elle saisi l’opportunité de lui « redonner l’avantage » en lui offrant une fête cantonale, une première dans le pays pour un vin rosé ! Cette première petite fête « pour marquer le coup », avec tout de même une vingtaine de caves présentes, s’est tenue à Neuchâtel le 24 juin dernier. Elle s’agendera certainement dans le futur, au cours du mois de juin, comme le Non-Filtré s’est invité dans le calendrier viticole chaque troisième mercredi de janvier. Avec désormais trois célébrations annuelles (le non-filtré et le pinot noir et donc l’OeiI-de-Perdrix), le vignoble neuchâtelois, fort de six cent hectares seulement, montre clairement « ses muscles » au pays, et surtout identité clairement affirmée !
Mais cet Oeil-de-Perdrix, à quoi doit-il son identité ? Au terroir neuchâtelois, bien sûr, qui est propice au pinot noir par son sous-sol riche en calcaire. Avec une large palette de couleurs, d’un rosé soutenu, car sa couleur n’est que très rarement claire, jusqu’à une belle robe mordorée en passant par une autre plus saumonée, l’OeiI-de-Perdrix sait jouer de ses charmes dès sa robe. Il possède en outre toutes les qualités du pinot noir : richesse aromatique, finesse, fraîcheur et vinosité. Si chaque cave possède son style propre, le 24 juin dernier j’en ai identifié plusieurs qui dominaient. Suffisamment donc pour s’accorder sur le fait que l’OeiI-de-Perdrix n’est pas un vin standardisé et banal. Si certains encaveurs jouent la carte de la puissance, d’autres lui préfèrent celle de la fraîcheur, et d’autres recherchent avant tout un vin jouant sur les grandes vertus de l’équilibre.
En définitive, l’Oeil-de-Perdrix est un vrai vin de terroir qui ne demande qu’à se marier avec nos mets, et si vous faites brin d’un rien d’imagination, il vous démontrera plus d’une fois qu’il sait être à l’aise avec bien des plats autres qu’une grillade estivale. Mais puisque nous sommes en été, surtout ne le boudez pas pour autant !
A propos de l’auteur Laurent Probst
Chroniqueur créateur du blog Vins Confédérés en 2007, Laurent Probst, infirmier de formation, a commencé à écrire sur le monde du vin suisse dès le 1er forum francophone spécialisé sur le monde du vin dans les années nonante. Depuis 2011, il est membre de la Fédération internationale des Journalistes et Ecrivains du Vin. En 2014, il a professionnalisé son activité de blogueur et propose de nouvelles prestations, toujours basées sur l’écriture d’articles, pour la presse et les professionnels du monde du vin helvétique.
